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Big Data et démocratie

29 mai 2023

Le livre de Giuliano da Empoli nous raconte une rencontre. La rencontre entre des personnages de carnaval et des marionnettistes de la Big Data et des réseaux sociaux.

Amérique du Nord, Brésil, Italie, Hongrie… des bouffons ont pris le pouvoir en pliant la réalité à leur guise. L’effondrement des gouvernements pilotés par l’extrême centre est une constante. Lorsque ces exécutifs n’arrivent plus à cacher leur allégeance à la finance internationale au détriment des intérêts des pays qu’ils représentent, lorsque qu’ils s’entêtent à vendre un seul monde possible, lorsque le collier se fait trop serré…c’est vers les fables extrêmes que les populations se tournent.

« Bien plus que des mesures spécifiques, les leaders populistes offrent aux électeurs une opportunité unique : voter pour eux signifie donner une claque aux gouvernants. Ainsi, l’un des prospectus distribués en faveur du Brexit affichait les visages satisfaits du Premier ministre David Cameron et du chancelier de l’Échiquier George Osborne, avec comme slogan d’accompagnement : « Faites-leur passer leur envie de sourire, votez Leave. » Les foules qui accueillaient Trump dans ses meetings électoraux entonnaient, quant à elles, en chœur « Lock her up ! Lock her up ! » (« Mettez-la en prison ! »), faisant référence à sa rivale Hillary Clinton^⁠¹ ».

Ces mouvements sont accompagnés ou même directement générés par « Les ingénieurs du chaos » : Steve Bannon, Gianroberto Casaleggio et même directement les employés de Facebook dans le cas de la campagne de Donald Trump^⁠2. Les idées défendues importent peu, seul compte le pouvoir et le contrôle direct des populations en jouant sur l’addiction, la colère, les bulles de filtres et toute la panoplie de la communication ciblée au service des hérauts de la réalité alternative.

La technologie permet de mettre des Waldo ^⁠3 au pouvoir, marionnettes vulgaires sans objectifs et sans autre but que de nourrir la rage qui permet l’engagement de ses partisans^⁠4.

« Une fois la colère libérée, il devient possible de construire n’importe quel genre d’opération politique. « Découvre pourquoi les personnes sont énervées, dis-leur que c’est de la faute de l’Europe, vote et fais voter Brexit », c’est ainsi que l’un des ingénieurs du chaos a résumé la stratégie, élémentaire et redoutable, d’une campagne référendaire qui semblait vouée à la défaite. « Laissez-moi être le porte-drapeau de votre colère », c’est comme cela que le candidat le plus improbable de l’Histoire a donné l’assaut à la Maison Blanche.

Derrière les principales évolutions géopolitiques de ces dernières années, il y a le rire moqueur de Waldo, l’ours bleu qui semblait être une blague et est devenu l’acteur qui est en train de changer la face du monde. Si pour Lénine le communisme c’était les Soviets et l’électricité, pour les ingénieurs du chaos le populisme naît de l’union de la colère avec les algorithmes^⁠5 ».

Dès lors la question est de savoir ce que nos smartphones font de nous et de notre démocratie. Sommes nous prêts à nous laisser dicter nos opinions politiques de la même manière que nous finirons par acheter cette paire de chaussures dont nous n’avons pas besoin mais qui revient sans cesse à chaque fois que nous regardons un contenu sur notre téléphone ? N’est-il pas temps de reprendre les rênes politiques avec comme objectif unique et indépassable de lutter contre les inégalités et pour la pérennité de notre planète ? Est-on prêt a assumer les conséquences d’une gouvernance basé sur le contrôle, la colère, le repli sur soi et la vengeance ?