Les affects au service de la révolution démocratique verte !

Les affects au service de la révolution démocratique verte !

Dans la Révolution démocratique verte, Chantal Mouffe creuse le même sillon que Frederic Lordon des affects dans la politique en dialogue avec l’héritage spinoziste

Cette analyse lui permet de mettre en exergue les dangers fondamentaux de la politique du consensus en plaidant pour un retour du conflit en politique ou, pour le dire autrement, de la politique en politique. Il s’agit dès lors d’accepter le dissensus « Ce qui importe, c’est que le conflit, quand il surgit, ne prend pas la forme d’un « antagonisme » (lutte opposant des ennemis), mais celle d’un « agonisme » (lutte entre adversaires) (…) Pour reprendre l’heureuse formulation de Marcel Mauss, le but visé est de « s’opposer sans s’entretuer⁠1 ». 

Le retour des affects en politique permet donc à la fois de sortir de la conception délétère du  « there are no alternative » mais aussi de tenter de retrouver une dynamique et une énergie pour une société plus juste et égalitaire. «  Un projet politique doit s’adresser aux gens en partant de leurs expériences vécues et de leurs aspirations concrètes.Prenant ses racines dans leurs conditions d’existence réelles, il peut ensuite croître et désigner des adversaires qu’ils sont capables d’identifier. C’est toujours autour de revendications précises que le peuple peut être politisé, et une rhétorique anticapitaliste abstraite ne trouvera aucun écho dans bon nombre des groupes dont les partis radicaux prétendent représenter les intérêts. Mon intention n’est nullement de nier la dimension nécessairement « anticapitaliste » dans la lutte à mener pour radicaliser la démocratie. Il est certain qu’un tel processus exigera d’en finir avec maintes formes de domination qui tirent leur origine du mode de production capitaliste. Et si nous acceptons, comme cela est proposé dans Hégémonie et stratégie socialiste, de reformuler le socialisme comme une radicalisation de la démocratie, il devient alors possible de le présenter comme le but de la lutte pour l’égalité. Toutefois, ce n’est pas au nom de l’anticapitalisme ou du socialisme que les luttes progressistes sont menées aujourd’hui, mais bien au nom de l’égalité et de la justice sociale, et ces mouvements sont souvent conçus comme des affrontements démocratiques⁠2 ».

C’est donc dans une unification des luttes sociales agrégées en quelque sorte dans le cadre de la nécessité de garder une Terre habitable que se dessine les contours de cette révolution démocratique verte. L’auteure la définie très précisément à la fin de cette essai en mettant en exergue la nécessité de ne pas déserter les voies électorales dans ce processus réformiste radical. Chacune et chacun pourra se faire une idée sur les voies à emprunter. « La révolution démocratique verte soutient qu’il est impératif, pour parvenir à une véritable bifurcation écologique, d’affronter les puissantes forces économiques qui lui résistent et de rompre avec l’ordre néolibéral. Mais elle accentue également le caractère démocratique de ce tournant et conçoit cette rupture selon ce qu’Erik Olin Wright définit comme une stratégie d’«érosion du capitalisme⁠3». L’objectif n’est pas de «fracasser» le capitalisme, mais de le faire bouger en mettant en couvre une série de réformes « non réformistes», pour reprendre l’expression employée par André Gorz, et en développant des institutions alternatives telles que les coopératives, et des initiatives venant de la base de la société civile et centrées sur elle – qui encouragent des activités économiques reposant sur des relations égalitaires. Dans une révolution démocratique verte, l’État doit être un acteur significatif car, comme le reconnaissent bon nombre d’économistes, il ne sera pas possible de réussir la transition requise vers les énergies renouvelables sans recourir à une planification écologique. Il est illusoire d’imaginer que les transformations profondes qu’exige la bifurcation écologique puissent être accomplies par les seuls mouvements sociaux. Les activistes et les groupements écologistes ont un rôle important à jouer, mais il sera impossible de créer les conditions d’une confrontation victorieuse avec le pouvoir du capital des énergies fossiles sans remporter des élections et arriver au pouvoir. Pour être à même d’influencer les décisions prises par l’exécutif, il est nécessaire de s’organiser politiquement. Tous les militants engagés dans diverses luttes écologiques devraient comprendre qu’ils ne pourront pas accomplir des avancées décisives s’ils tournent le dos aux processus politiques électoraux⁠4 ».

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1 P48

2 P54-55

3 Erik Olin Wright, How to Be an Anti-Capitalist in the Twenty-First Century, Londres et New-York, Verso, 2019.

4 P100-101-102

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